**La Meilleure Amie**
— Joyeux anniversaire ! — Léa tendit un sac cadeau à son amie.
— Merci, — murmura Marion en l’embrassant sur la joue. — Je l’ouvrirai plus tard, d’accord ? Entre.
Léa pénétra dans la pièce où une table décorée trônait au centre. Près de la fenêtre, deux garçons discutaient.
— Je te présente ma meilleure amie, Léa. On se connaît depuis le lycée. Et voici Lucas et Théo. Lucas, c’est celui de droite, — chuchota Marion à l’oreille de Léa. — Ne te trompe pas. C’est mon copain.
Les deux garçons fixèrent Léa. Celui que Marion avait appelé Théo lui adressa un sourire chaleureux.
— Bon, faites connaissance, je vais vérifier la viande avant qu’elle ne brûle, — déclara Marion avant de disparaître dans la cuisine.
Léa, déconcertée, ne savait comment réagir. Théo vint à son secours en contournant la table pour s’approcher d’elle.
— Lucas et moi, on est amis depuis le lycée aussi. Je suis juste passé chez lui par hasard, et me voilà à l’anniversaire de sa copine.
De près, il lui parut encore plus séduisant.
Des invités arrivèrent en riant, et bientôt, la pièce devint trop bruyante pour discuter. À table, Théo s’assit près de Léa. Sa proximité et ses regards la firent frémir. Quand la musique commença, il lui proposa de s’échapper.
— Marion va m’en vouloir…
— Laisse, elle ne remarquera même pas notre absence avec tout ce monde. Allons-y pendant qu’elle est occupée. — Il lui prit la main pour l’entraîner vers la porte.
Ils déambulèrent dans les rues de Paris, découvrant mille points communs. Ni l’un ni l’autre n’aimaient les foules. Bien sûr, Marion appela plus tard, vexée que Léa soit partie sans un mot.
Elles ne se parlèrent pas pendant des jours, jusqu’à ce que Marion vienne faire la paix. Elle annonça alors sa rupture avec Lucas.
— Et toi, tu as cet air-là… Tu es amoureuse ? — demanda-t-elle en remarquant le regard absent de son amie.
— Pardon, mais je suis si heureuse ! J’en perds la tête, — avoua Léa. — Théo m’a demandée en mariage. On repousse la noce à l’automne. Tu seras ma témoin ? Marion, je me sens si mal… Tout est allé si vite. Enfin, c’est toi et Lucas qui nous avez présentés, et vous avez rompu. Mais tu trouveras l’amour, j’en suis sûre.
Marion n’avait pas de chance en amour. Les hommes étaient attirés par sa beauté comme des papillons par la lumière, mais leur passion s’éteignait vite.
— Elle est comme les autres, mais toi, tu es unique, — lui dit Théo quand Léa lui demanda pourquoi il l’avait remarquée plutôt que Marion, pourtant plus jolie.
Après le mariage, le jeune couple s’installa chez les parents de Théo, séparés depuis trois ans. Son père était parti avec une autre femme avant le divorce, et sa mère s’était remariée six mois plus tôt, quittant la France.
— Quelle chance tu as, Léa. Un mari magnifique, et un appart en plus. Si j’avais su, c’est moi qui serais sa femme, — soupira Marion.
Léa la serra dans ses bras :
— Bientôt, ce sera ton tour de te marier.
— Pourquoi vient-elle ici ? Je ne comprends pas votre amitié. Vous n’avez rien en commun, — questionna un jour Théo.
— On est amies depuis toujours. Et je crois qu’elle te plaît. Elle est gentille, juste malchanceuse en amour.
— Justement, les gens malheureux sont envieux, — rétorqua-t-il.
Léa n’y prêta pas attention, défendant Marion. Mais plus tard, elle réalisa que son mari avait raison.
Un soir, Marion annonça une réunion d’anciens élèves. Cinq ans après le bac, il était temps de se retrouver et de vanter leurs réussites.
— Quelles réussites ? On sort à peine de la fac.
— Pas toi. Tu t’es déjà mariée. D’autres ont divorcé. Et Sophie Martin a eu trois enfants !
— Quoi ?
— Une fille d’abord, puis des jumeaux. On se voit probablement pendant les fêtes. Super, non ?
— Si tu veux, — répondit Léa sans enthousiasme.
— Tu n’as pas l’air ravie.
— Ces réunions, ça ne m’intéresse pas.
— Si tu ne viens pas, je ne te parle plus, — menaça Marion. — Théo, tu la laisses venir ?
— Pourquoi pas ? — répondit-il.
— Je croyais que tu me défendrais, — plaisanta Léa.
— Non, sinon ton amie dira que je te tyrannise. Vas-y, mais pas jusqu’à l’aube.
La réunion eut lieu dans un café décoré de guirlandes et de bougies. Les filles rivalisaient d’élégance, les garçons étalaient leurs succès. Léa restait silencieuse, heureuse dans son coin.
Soudain, elle aperçut Antoine Lefèvre. Il l’avait harcelée au lycée.
— Tu ne m’as pas dit qu’il viendrait ! — chuchota-t-elle.
— Ce n’est pas moi qui ai organisé ça ! — se défendit Marion.
Antoine se dirigea vers elles. Marion s’éclipsa, le laissant seul avec Léa.
— Je suis si content de te revoir !
Léa, mal à l’aise, cherchait désespérément son amie. Marion finit par la sauver.
— Désolée, Antoine, je dois parler à Léa.
Dehors, Léa avoua :
— Je m’en vais. Occupe-le.
Elle appela un taxi. Mais Antoine s’installa à côté d’elle.
— Je t’accompagne.
— Non ! — Elle supplia le chauffeur d’arrêter. — Sors !
— On y va ? — demanda le chauffeur.
— Oui, — dit Antoine.
— Non ! — cria Léa.
Le taxi démarra.
— Je suis mariée. Mon mari est jaloux…
— Tant mieux. Tu divorceras, et on se mariera.
— Tu dis n’importe quoi !
Ils se disputèrent jusqu’à chez elle.
— Va-t’en ! — Léa s’enfuit dans l’immeuble.
Dennis l’attendait.
— Tu es rentrée tôt. Tout va bien ?
— J’ai mal à la tête.
Le lundi, en rentrant plus tôt, Léa prépara le dîner. On sonna à la porte.
— Dennis a sa clé…
Elle ouvrit et recula, horrifiée. Antoine, un bouquet à la main.
— Toi ?! — Elle claqua la porte.
Dix minutes plus tard, Dennis rentra, tenant le bouquet.
— C’était devant notre porte. On a eu de la visite ?
— Non. Sans doute pour Pauline, à l’étage. — Elle prit les fleurs et les jeta.
Dennis la regarda intensément.
— Tu veux me dire quelque chose ?
— Non.
— Je sais que c’est lui. Pourquoi ne rien me dire ?
— Il n’y a rien à dire. Il m’a poursuivie au lycée, c’est tout.
Ils se couchèrent dos à dos, pour la première fois.
Le lendemain, Antoine attendait Léa devant son travail.
— Arrête ! Sinon, j’appelle la police.
— Offrir des fleurs est un crime ? — Il rit.
Elle jeta le bouquet dans une poubelle et partit.
Antoine ne revint plus. Marion non plus. Léa ne la regretta pas.
Puis, elle découvrit sa grossesse.Finalement, au printemps suivant, Léa tint dans ses bras leur petit garçon, entourée de l’amour de Denis et de la certitude que son bonheur était désormais à l’abri des tempêtes.